L’ART de VOYAGER avec le MUMO
C’est avec joie que le musée Mobile – MuMo -, va reprendre son voyage déconfiné. Sa mission engagée : inviter au voyage immobile, à partager, donner à découvrir et ressentir l’art dans les régions où les musées sont éloignés géographiquement et socialement.
Le MuMo est un musée itinérant dédié à la médiation artistique qui a su s’adapter virtuellement pour continuer à aller à la rencontre des habitants pendant le confinement.
Un lieu d’exposition qui excelle dans la coopération avec les écoles, les habitants et fait germer l’enthousiasme à petite et grande échelle.
Regards croisés sur ce projet à travers la rencontre avec sa fondatrice Ingrid Brochard et la designer Matali Crasset qui a pensé et « habillé » le projet.
La convergence des regards
Les regards de ces deux entrepreneuses talentueuses convergent vers l’engagement: Matali a été séduite par l’histoire du projet qui parle d’humanité et tisse ses fils autour de la mobilité, du partage et de la rencontre autour des oeuvres d’art. À la question « Quel est le fil conducteur de vos projets ? », Ingrid Brochard mentionne « le sens et le changement des mentalités. »
Leur collaboration est une histoire de rencontre. Celle-ci est d’ailleurs le leitmotif de leurs vies. Ingrid cite la rencontre marquante avec l’artiste Louise Bourgeois et ses oeuvres lorsqu’elle dirigeait un magazine d’art contemporain, Matali en écho, évoque aussi l’importance de la rencontre dans son parcours et ses projets. À l’écoute des rêves de ses clients, la designer écoute, réfléchit et propose des scenarii.
Tournées vers autrui chacune à leur manière, la designer exprime mettre en forme les rêves des autres, Ingrid, quant à elle, évoque une tendance qui s’inscrit en résonance : la tendance à prendre plus soin des autres que d’elle-même.
L’adaptation au changement
Quel enseignement tirent-elles de la crise sanitaire que nous traversons ?
Pour Ingrid Brochard, le mot-clé est « l’agilité » qu’il a fallu développer. Le MuMo étant à l’arrêt, elle a créé avec son équipe une application numérique Crée ton MuMo pour jouer au Commissaire d’exposition. De plus, des rencontres entre artistes et scientifiques se dessinent et vont bientôt être organisées dans les écoles « pour aller vers la rencontre autrement ».
Pour Matali Crasset, « un nouveau rapport à l’intérieur et l’extérieur va émerger du confinement. » Celui-ci « a une influence sur notre rapport à la notion d’activité, sur notre pouvoir de nous adapter, adapter l’espace, changer les structures. » Travaillant déjà sur des scenarii de vie, l’après-confinement conforte et confirme chez la designer une « envie plus profonde de projets plus ouverts au changement. » « La période de fragilisation favorise la remise en cause. Mes envies antérieures – retourner au naturel, à plus de simplicité-, je vais continuer à les affirmer » me confie-t-elle.
Une histoire visionnaire
Rentrer dans l’aventure innovante du MuMo s’inscrit déjà dans cette démarche engagée. Tout comme explorer le rapport entre l’équilibre et l’extérieur. En effet, le MuMo par son déploiement horizontal en accordéon va à la rencontre de l’extérieur, des visiteurs. Conçu comme un cirque et un cabinet de curiosités adapté aux enfants, il invite à une pause inspirée et inspirante.
» C’est un camion qui arrive dans un village et comme un cirque y apporte un décalage de réalité. A l’image d’un oiseau qui ferait sa parade, le corps du camion se dédouble à horizontal, le torse se gonfle et il déploie en même temps ses ailes rouges de chaque côté. Créant ainsi un espace interface pour faire geste de bienvenue et d’hospitalité et inviter à y rester autour, protégé sous les ailes. Le camion est donc ainsi d’abord appréhendé comme un espace de convivialité à partager. Ces abris rouges, d’un côté, équipés de tables et de bancs, invitent à se poser et convoquent des moments de convivialité. Ils permettent aussi d’accueillir des ateliers. De l’autre côté, des ailes identiques dévoilent de petits espaces d’exposition dédiés aux réalisations des enfants après leur visite. »(1)
L’exposition qui devait commencer le lendemain du confinement « Objectif Terre » résonne étrangement avec l’actualité en ces temps de réflexion post-confinement. L’exposition propose aussi de dessiner l’après. Elle « évoque, par le biais de 21 oeuvres issues des collections du centre National des Arts plastiques et du Frac Provence-Alpes-Côte d’Azur, les relations qu’entretient l’humanité avec son environnement. Alors que notre planète connaît une crise écologique sans précédent, le rapport de l’humanité à son milieu oscille entre la menace d’une destruction mutuelle et le défi d’imaginer une harmonie future. Descriptions de projets utopiques, indices d’une catastrophe en cours ou chimères d’un nouveau temps, les oeuvres présentées dans cette exposition font écho à ce constat. Elles esquissent une cartographie imaginaire des transformations du vivant, de tentatives de dépassement, des forces de la nature jusqu’à l’éventualité de notre disparition dans un monde posthumain. »(2)
Soyons sûrs que cette future exposition passionnera petits et grands concernés et mus par un désir de changement.




(1) Site internet de Matali Crasset
(2) Dossier de presse de l’exposition « Objectif Terre »
LE QUESTIONNAIRE DE PROUST PHILANTROPIQUE DE CHARLÈNE PETIT
Charlène Petit a créé FILantropio, le premier podcast en français sur la philantropie. L’actualité philanthropique est décortiquée et la parole donnée aux personnes inspirées qui font bouger le monde. Sont ainsi mises en lumière les actions de celles et ceux qui questionnent notre quotidien par leurs actes engagés.
De son Québec d’adoption où le déconfinement a été repoussé au 26 mai, elle se prête au je(u) du questionnaire de Proust et se confie sur la crise sanitaire, l’avenir de la philantropie, du « care« (1), le monde d’après. En ce dernier jour de confinement – même si celui-ci continue pour certain.e.s, ne l’oublions pas -, comment se dessine demain ? Comment gérer l’après ? Quel impact la crise sanitaire aura sur nos relations interpersonnelles, sur les (des)équilibres qui ne sont jamais apparus aussi criants qu’aujourd’hui ?
Je vous invite à découvrir son podcast « À travers mon filtre » (2) qui décrypte les enjeux de la crise sanitaire et ses conséquences sur le monde de la philantropie.
En attendant, parcourons ensemble le fil de ses réponses généreuses, éclairantes et inspirantes.

– Quel est votre état d’esprit actuel ?
– Je suis partagée entre l’espoir de voir émerger un nouveau projet de société où la
solidarité, la justice sociale et environnementale deviendront les nouvelles vertus
cardinales, et la désillusion de reprendre nos vies dans une totale amnésie de ce que le
confinement nous aura permis de prendre conscience individuellement et collectivement.
– Quelles sont les émotions entre lesquelles vous naviguez ?
– Tristesse de voir nos projets se retrouver à la merci du virus pour au moins les 12
prochains mois. Joie de ralentir nos vies. Peur d’avoir basculé durablement dans un
monde incontrôlable sur le plan sanitaire et climatique. Excitée par les nouvelles
opportunités offertes pour se/nous réinventer. Appréhension de voir cette parenthèse se
transformer en répétition.
– Une différence dans l’approche de la crise entre le Québec et la France ?
– Le Québec a réagi très tôt face aux menaces du coronavirus et a rapidement pris acte de
ce qui se passait en Europe. Contrairement aux Français, nous avons pu conserver une
certaine liberté de mouvement malgré le confinement. Bien sûr, beaucoup de salariés et
travailleurs autonomes ont été affectés par la crise. Pour pallier la hausse du chômage et
donner un peu de répit aux entreprises, le gouvernement a mis en place un généreux fil social et une offre de soutien financier pour favoriser la formation afin de mettre à profit cette période de ralentissement économique pour améliorer ses compétences.
Malheureusement, cette crise a aussi révélé, comme en France, le manque criant de
personnel et de moyens dans le système de santé.
– Quel est votre principal trait de caractère ?
– La résilience. Je me laisse parfois abattre mais je ne m’avoue jamais vaincue. Je suis
passée par quelques recommencements dans ma vie dont une reconversion de carrière.
Depuis, je rebondis comme un ballon gonflé à bloc !
– Et celui que vous appréciez chez les autres ?
– L’honnêteté, qui se traduit par le parler-vrai.
– Une rencontre philanthropique qui vous a marquée ?
– J’ai eu la chance de pouvoir rencontrer Alexandre Mars lors de la promotion de son
premier livre, « La révolution du partage », à Montréal. Il incarne pour moi la nouvelle
philanthropie, celle qui s’adresse à tout le monde et se pense d’une manière
entrepreneuriale. J’aimerais beaucoup l’accueillir dans mon podcast un jour.
– Une personnalité à l’humour contagieux ?
– J’aime beaucoup l’humour sans filtre de Blanche Gardin que je trouve d’une efficacité
redoutable parce qu’il s’appuie sur les névroses de l’âme humaine et de la société. Je suis
particulièrement friande d’humour noir et pince-sans-rire et quand il est délivré par une
femme aux apparences de pin-up rétro, c’est encore meilleur !
– Parmi les 5 sens, quel est celui que vous privilégiez/préférez ?
La vue pour apprécier toutes les beautés du monde et lire la bibliothèque d’une vie.
– Vous souvenez-vous de votre premier choc esthétique ?
– Je le situerais entre la découverte des primitifs flamands et celle de l’œuvre de Jérôme
Bosch pendant mes années d’étude en histoire de l’art.
– Quel est le philosophe dont la pensée vous inspire particulièrement ?
– Charles Pépin dont il faut absolument lire « Les vertus de l’échec », particulièrement en ces temps troublés. C’est un vulgarisateur hors pair. Il a d’ailleurs lancé son podcast en
collaboration avec Soptify. D’une manière générale, la pop’philosophie m’intéresse, tant
pour sa volonté de s’adresser à un public non averti que pour sa capacité à formuler des
questions philosophiques à partir d’éléments issus de la culture populaire de masse.
– Une devise, un leitmotif ?
-La vie appartient aux curieux. Je pense que la curiosité nous met en situation
d’apprentissage permanent et nous rend plus créatif. Développer notre appétence pour
tout ce qui s’offre sur notre chemin est une forme de soft skill très puissante.
– Quelle est votre façon de prendre soin de vous ?
– Essayer chaque jour de faire une pause dans mon quotidien pour effectuer une activité qui me fait du bien comme lire, pratiquer le yoga, écouter un podcast, regarder un replay de « La grande librairie », muscler ma créativité manuelle à défaut de faire du sport ! Bref,
n’importe quoi me permettant de me couper de l’impératif de performance.
– Et de vos proches ?
– En cultivant ma présence comme on cultive un beau jardin. Cela demande soin et temps.
– Une pépite artistique que vous suggérez de re-découvrir en ce moment ?
– « Ma vallée » de Claude Ponti, pour ne jamais oublier l’enfant qui est en nous et la puissance de l’imaginaire, un rempart si précieux en ces temps de confinement.
– Un podcast hormis le vôtre que vous nous conseillez d’écouter ?
– Je recommande « Vlan! » animé par Grégory Pouy, le podcast pour mieux comprendre
notre société à travers le lien à soi, aux autres, à la nature. Les invités sont de haut
calibre et on y apprend toujours quelque chose. L’épisode #123 avec Emmanuelle Duez
sur l’injonction à l’engagement a particulièrement résonné en moi. Ce podcast est un
véritable extracteur à jus de cerveau. Allez-y les yeux fermés et ouvrez grand vos oreilles !

(1) Soin
Écouter le podcast filantropio sur instagram – sur filantropio.com
(2) Ses podcasts « À travers mon filtre » décryptent l’actualité de la crise sanitaire et son impact sur le monde de la philanthropie :
Épisode 1 : Quelles seront les répercussions du Coronavirus sur la philanthropie ?
Épisode 2 : Que nous dit la tendance du « caremongering » sur les réseaux sociaux ?
Épisode 3 : Quelles sont les vraies questions que nous pose le coronawashing ?
LE QUESTIONNAIRE RESSOURÇANT DE LINDA LEBREC

Linda Lebrec est la fondatrice d’Épic’ et simples qu’elle a créée voici huit ans. Prendre soin de soi prend ses racines dans la Nature qui l’entoure – Linda vit en Normandie – et dans les plantes, au coeur de son aventure professionnelle.
Les plantes qu’elle prépare en onguents n’ont plus de secret pour elle. Linda propose des sorties plantes sauvages comestibles ou médicinales et de se ressourcer au contact énergisant des arbres à travers les balades en pleine Nature et la sylvothérapie…
Parcourons ensemble un brin de nature à ses côtés pour une balade apaisante à deux jours du déconfinement qui nous attend…
– Quel est votre état d’esprit actuel ?
– Je suis plutôt cool.
– Quelles sont les émotions entre lesquelles vous naviguez ?
– Je suis entre la colère, l’inquiétude, la contemplation et l’espoir.
– Quel est votre principal trait de caractère ?
– J’ai besoin de communiquer et de rencontrer l’autre.
– Et celui que vous appréciez chez l’autre ?
– L’humour.
– Une personnalité à l’humour contagieux ?
– Blanche Gardin.
– Parmi les 5 sens, quel est celui que vous privilégiez/préférez ?
– L’odorat.
– Vous souvenez-vous de votre premier choc esthétique ?
– Le kaleïdoscope.
– Et de votre 1er choc sensoriel en pleine Nature ?
– Le goût de la limonade de fleurs de sureau noir .
– Pouvez-vous nous décrire votre ressenti quand vous « embrassez » les arbres ?
– Je ressens une certaine chaleur et un alignement interne, un bien-être global .
– Quelle est la plante dont vous ne pouvez pas vous lasser ?
– J ‘adore la berce spondyle (gôut d’agrumes ).
– Un remède médicinal ancien que vous auriez envie de remettre au goût du jour ?
– Les onguents de plantes , que je fabrique déjà 😉
– Quel est le philosophe dont la pensée vous inspire particulièrement ?
– Christian Bobin
– Une devise, un leitmotif ?
– » Il n’y a pas de hasard que des rendez vous« . Paul Eluard
– Quelle est votre façon de prendre soin de vous ?
– Marcher dans la nature, prendre un bain, faire du yoga, écouter de la musique, voir des amis, regarder le feu qui danse, danser .
– Et de vos proches ?
– Les masser, les écouter, les faire rire.
– Une pépite artistique que vous nous suggérez de re-découvrir en ce moment ?
– « Dead can dance » de Dyonisus.
– La première chose que vous avez envie de faire sous déconfinement ?
– Revoir mes amis, ma famille .
– Quels sont vos projets professionnels une fois déconfinée ?
– Reprendre mon activité professionnelle en suspens et revisiter certaines formules (bain de forêt nocturne, de pleine lune ….).

LE QUESTIONNAIRE DE PROUST REVISITÉ DE L’ÉCRIVAINE ET TRADUCTRICE CORINNE ATLAN

Romancière, essayiste et traductrice à ce jour de plus de 60 oeuvres japonaises, parmi lesquelles des romans d’Haruki Murakami, Yasushi Inoue et Fumiko Hayashi, les livres de Corinne Atlan révèlent une écriture impressionniste et une sensibilité contemplative qui fait le grand écart entre l’Occident et l’Extrême-Orient. Son « Petit éloge des brumes » est un manifeste exquis dans lequel l’écrivaine explore la poésie qui se cache dans l’ombre des souvenirs et des oeuvres d’art qu’elles soient littéraires, picturales ou architecturales. « Nous qui pensons être faits de matière solide sommes traversés depuis notre venue au monde par une multitude de paroles, lectures, images, rencontres, influences et expériences qui nous fondent. Nous sommes en réalité de la même pâte malléable que les nuages et les brumes. »(1)
Découvrons son jardin intérieur, le paysage de ses brumes et déroulons ensemble le fil de son questionnaire de Proust revisité et de son portrait chinois tout en finesse et en sensibilité.
– Quel est votre état d’esprit actuel ?
– Un sentiment de reconnaissance. Je suis confinée dans une maison avec un jardin fleuri, je suis en bonne santé… Chaque jour, je rends grâce à la vie pour tout ce qu’elle me donne. Un toit, de l’eau, de la nourriture, un corps sain : autant de biens précieux dont une partie de l’humanité est privée.
– Quelles sont les émotions entre lesquelles vous naviguez ?
– Après la sidération première est venue l’angoisse que soulèvent le danger invisible et imprévisible du virus et les incertitudes pour l’avenir, de la tristesse aussi en pensant à toutes les souffrances actuelles, ici et à travers le monde. J’ai une sensibilité accrue à la musique, qui me fait facilement pleurer, quelle qu’elle soit… Mais globalement je suis relativement sereine, parce que je m’efforce de vivre dans l’instant et de profiter d’un tas de « petites choses » importantes : un arbre en fleurs, les oiseaux le matin, la beauté des chats, un bon repas, une conversation amicale – au téléphone ou sur écran, en attendant mieux.
– Quel enseignement vous inspire cette crise sanitaire ?
– Je la vois comme une occasion de cultiver l’être plutôt que l’avoir, le non-agir fécond plutôt que la vaine agitation.
– Le Japon est encore peu touché. Comment cette culture pourrait, pour nous Occidentaux, être un modèle inspirant pour nous préserver ?
– À l’heure où nous parlons, le Japon connaît aussi de graves difficultés face à cette crise, et je ne pense pas qu’il puisse être un modèle, à part pour le port des masques, dont on pourrait s’inspirer. C’est efficace pour se protéger et protéger les autres, et sans doute le souci de l’autre est-il culturellement plus développé chez les Japonais que chez nous. Mais il faut se méfier des généralités, qui conduisent aux stéréotypes. L’idée qu’une culture puisse être un « modèle » pour une autre me dérange, je préfère voir les choses en termes d’influences réciproques.
– Quel est le philosophe dont l’enseignement vous inspire particulièrement en cette période ?
– Le philosophe chinois Zhouang Zi rêvant qu’il est un papillon et se demandant au réveil s’il n’était pas plutôt un papillon rêvant qu’il était Zhouang Zi.
La situation que nous vivons en ce moment me semble parfois totalement irréelle, cela fait du bien de penser qu’il existe plusieurs sortes ou plusieurs niveaux de réalité. Et puis l’imagination et notre monde intérieur sont les seuls espaces de liberté dont rien ni personne ne peut nous priver.
– Avez-vous une devise préférée ?
– Ichigo-ichie, « un moment, une rencontre« , une formule zen, souvent utilisée au Japon dans la cérémonie du thé : chaque moment est une occasion unique de rencontre, avec une autre personne, un animal, une fleur, ou avec soi-mêmes. C’est une invitation à vivre pleinement chaque instant qui passe.
– On nous parle beaucoup actuellement de l’importance d’avoir des rituels pour ponctuer nos journées de confinement. Quels sont ceux qui ponctuent vos journées d’écriture ?
– Comme j’ai l’habitude de travailler seule chez moi, mes rituels de la journée n’ont pas changé avec le confinement. Le matin je commence toujours par un tour dans le jardin. « je fais la toilette des fleurs avant la mienne« , disait Mallarmé à propos de son jardin de Valvins, j’aime cette formule et m’efforce de faire de même. Le petit déjeuner est un moment précieux, calme, serein, un sas pour entrer dans les activités du jour. Ensuite pour me concentrer, il me suffit d’entrer dans mon bureau et de me trouver dans cet espace autre, entourée de livres, certains posés ici et là en désordre, parce que j’en lis souvent plusieurs à la fois. J’ai des rituels de désordre plutôt que d’ordre : si mon lieu de travail est trop bien rangé, j’ai l’impression qu’il n’est pas « habité » et qu’il ne se passe rien dans mon esprit non plus.
– Avez-vous besoin de silence quand vous écrivez ou au contraire vos ouvrages (qu’il s’agisse de traductions ou de vos propres manuscrits) ont- t’ils chacun un univers sonore ?
– Je travaille dans le silence, la musique capte trop mon attention. Le chant des oiseaux, la cloche de l’église à côté, ou celle du temple si je suis au Japon, cela me suffit comme univers sonore. Quand je traduis, si l’auteur fait référence à un univers musical particulier (c’est le cas de Haruki Murakami ou Ryû Murakami, et j’ai découvert grâce à eux beaucoup de musiciens que je ne connaissais pas, un vrai cadeau) j’écoute par curiosité les morceaux cités, mais rarement en travaillant.
– Avez-vous une suggestion (documentaire, oeuvre artistique…) pour voyager immobile ?
– J’aime bien la série « Invitation au voyage » sur Arte qui fait voyager autour d’une œuvre ou d’un auteur. J’ai d’ailleurs participé à celle intitulée « le Japon onirique de Murakami » et à celle sur Mishima, qui sera diffusée bientôt. Un vrai dépaysement en un petit quart d’heure. J’aime aussi les beaux documentaires de Jill Coulon comme « Au fil du monde » sur les savoir-faire textiles au Tibet, en Mongolie ou à Okinawa.
Et bien sûr, la meilleure façon de s’évader est pour moi la lecture. Je conseillerai « Danse danse danse » ou « Les amants du spoutnik » de Murakami pour voyager au Japon mais aussi jusqu’à Hawaï ou en Grèce, sans compter les mondes intérieurs !
– Quelle est votre façon de prendre soin de vous ?
– J’aime les massages légers, les huiles parfumées. Il me suffit d’utiliser des produits naturels à base de fleurs ou de fruits, comme Weleda dont je suis une inconditionnelle depuis des dizaines d’années, pour me sentir enveloppée d’une aura de bien-être et de féminité. Quand je suis au Japon, j’adore aller au onsen (bain public utilisant l’eau de sources thermales) cela me fait un bien fou, physiquement et mentalement, et cette coutume me manque beaucoup quand je suis en France.
– Et de prendre soin de vos proches ?
– Leur préparer de bons petits plats. Passer du temps ensemble, simplement.
– Quelle est votre petite recette préférée pour booster l’immunité ?
– Je fais régulièrement des cures d’échinacea. Et sinon, les granions de cuivre, de petites ampoules qui guérissent en un clin d’œil le moindre début de rhume ou baisse d’énergie.
– Quel est le meilleur anti-blues qui vous fait du bien ?
– Encore et toujours la lecture. Rien ne vaut un bon roman, ou alors un bon film, japonais de préférence, pour se changer les idées.
– Une source d’émerveillement au quotidien liée à l’un des 5 sens que vous (re)-découvrez/savourez en cette période de confinement ?
– Le jardin, sans hésiter. Ce printemps, le parfum des roses est particulièrement puissant, leurs couleurs sont plus intenses. Toutes les foraisons sont magnifiques, je ne me lasse pas de contempler cette incroyable beauté de la nature, qui contraste avec la dureté de ce qui se passe.
– Parmi les 5 sens, quel est celui le plus affirmé chez vous ?
– Question difficile, c’est leur combinaison qui nous donne accès au monde… Je dirai la vue, bien que je sois assez myope. C’est celui qui me manquerait le plus si je devais en être privée.
– Vous souvenez-vous de votre premier choc contemplatif ? Étaient-ce les nuages que vous contempliez petite sur une balançoire ? Des paréidolies ? Ou la contemplation d’une sculpture, d’une peinture, d’un paysage, la lecture d’un livre ?
– Les nuages, la tête en bas sur une balançoire, un souvenir marquant que je décris dans mon « Petit éloge des brumes ». La découverte de la lecture a aussi été un choc mémorable, mais pas contemplatif, j’ai l’impression de prendre une part active à la lecture d’un livre, alors que pour voir des formes imaginaires dans le ciel, il n’y a qu’à se laisser aller.
– Vous souvenez-vous de votre premier choc esthétique dans les pays où vous avez vécu ? A quel(s) sens était-il lié ?
– À vingt ans, le boddhisatta du Chûgu-ji à Nara. Un moment d’émotion intense, passé à contempler cette sublime statue en bois de camphrier, datant du 7e siècle. Le sens de la vue, donc.
– Quelle est votre petite madeleine ?
– Les odeurs d’épices orientales, liées à une foule de souvenirs, depuis le couscous que préparait ma grand-mère jusqu’aux curries du Népal ou de l’Inde, et même du Japon où le « kare-raisu » (curry rice) est un plat très populaire.
– Quel est votre principal trait de caractère ?
– Il faudrait demander à mes proches plutôt qu’à moi !
– Et celui que vous appréciez chez les autres ?
– La sincérité.
– Quelques questions de portrait chinois.. Si vous étiez un parfum ?
– L’encens du mont Koya.
– Un paysage ?
– Les forêts fantasmagoriques de Yakushima, une petite île montagneuse à la pointe sud du Japon.
– Une gourmandise ?
– Un millefeuille.
– Une oeuvre d’architecture ?
– La tour de Pise
– Un haïku (2). Quel serait-il ?
« Sur la pointe d’une herbe
Devant l’infini du ciel
une fourmi »
J’aime la simplicité de ce haïku d’Ozaki Hôsai qui, en observant une forme de vie minuscule, résume la condition humaine.
– La première chose que vous aimeriez faire une fois déconfinée ?
– Une fois déconfinée, j’aimerais partir voir la mer et marcher des heures le long d’une plage.

(1) « Petit éloge des brumes », Corinne Atlan, p.102, Folio, 2019
(2) Corinne Atlan (au côté de Zéno Bianu ) a traduit deux anthologies sur les haïkus : » Haïku. Anthologie du poème court japonais », (Paris, Gallimard, 2002) et « Haïku du XXe siècle. Le poème court japonais d’aujourd’hui. » (Paris, Gallimard, 2007).
Propos recueillis par Émilie Pruvost le 1er mai 2020
LE QUESTIONNAIRE DE PROUST INTIMISTE DE L’ARTISTE MORGANE ROSPARS

« EX-LIBRIS: inscription qu’un possesseur de bibliothèque met sur les livres qui lui appartiennent. » (définition du Littré).
Morgane Rospars crée des ex-libris sur mesure et en édition limitée. Des petits bijoux graphiques et inspirés à offrir aux gens qu’on aime.
À nous de dresser un mini portrait de la personne à laquelle on souhaite l’offrir et Morgane s’en inspire.
Le résultat : un concentré de délicatesse et le miroir de son futur propriétaire, de sa personnalité, de ses goûts et de sa vie. Une signature imagée en somme.
Découvrons ses réponses inspirées au questionnaire de Proust revisité au filtre des 5 sens et de l’actualité.
– Quel est votre état d’esprit actuel ?
– Ça va bien, je suis chez moi en sécurité et avec ma famille contrairement à d’autres… Même si j’oscille entre deux sentiments. Mais je vois que c’est la question suivante, alors allons-y. 🙂
– Quelles sont les émotions entre lesquelles vous naviguez ?
– Je suis entre deux. D’un côté, ça ne change rien pour moi car je travaille à la maison, du coup le confinement ça me connaît. De l’autre, je suis évidemment très triste de la situation catastrophique dans laquelle nous nous trouvons. Je pense beaucoup aux soignants qui sont en train d’éteindre l’incendie avec un verre d’eau*… Je crois qu’on se fait au confinement, mais quand on prendra un peu de distance avec tout ça, on se dira que quand même, on vit une période complètement lunaire… Et je pense aux petits vieux qui ont tout connu, de la guerre jusqu’au virus…
– Quel est votre principal trait de caractère ?
– Bornée. 😀
– Et celui que vous appréciez chez les autres ?
– J’aime les personnes attentives. J’ai beaucoup de mal avec les personnes égoïstes.
– Un personnage de roman ou de film à l’humour contagieux ?
– Personnellement, j’étais pliée devant « Jacky au royaume des filles », mais je dois être la seule… Je crois que ça n’a pas été un franc succès. Tout y est réuni pour que ça me fasse rire : Riad Sattouf, Vincent Lacoste, l’humour complètement débile… J’ai aussi beaucoup ri devant « Le Daim » de Quentin Dupieux.
– Une devise, un leitmotif ?
– Mieux vaut tenir que courir (ce qui n’est peut-être pas très ambitieux 😀 )
– Vous souvenez-vous de votre premier choc esthétique ?
– Versailles. J’étais en admiration devant les reportages à la télé qui en parlaient. Et quand j’y suis allée la première fois, j’avais l’impression d’être une comtesse !
Après j’en ai plein d’autres (des chocs esthétiques). « La Femme piquée par un serpent » à Orsay, la main tombante (pour être précise) sur « La Mort » de Marat de David, l’oeuvre de Vallotton, etc…
– Si vous pouviez traduire ce souvenir en ex-libris, quel serait-il ?
– Un trait fin, fragile et irrégulier.
– Votre petite madeleine ?
– L’odeur du linge propre que l’on repasse me fait penser à ma grand-mère.
– Quelle est votre petite recette préférée pour booster l’immunité ?
– Un thé matcha avec du lait. Le meilleur coup de fouet quand on est claqué.
– Quelle est votre façon de prendre soin de vous ?
– Je me fais des masques du visage.
– Et de prendre soin de vos proches ?
– Pour mon mari, une tarte aux pommes le dimanche, pleine (mais alors vraiment pleine !) de beurre salé, de sucre, de cannelle et de vanille. Ou un riz au lait au caramel crémeux. Ce sont les deux seules choses que je sais cuisiner.
– Quelle est votre recette anti-blues ?
– Du vin ?
– Une source d’émerveillement au quotidien liée à l’un des 5 sens que vous (re)-découvrez/savourez en cette période de confinement ?
– Joker.
– Une pépite artistique, littéraire ou musicale, que vous nous suggérez de re-découvrir en ce moment ?
– « La position du tireur couché » de Jean-Patrick Manchette.
– Quel est votre conseil aux parents qui doivent télé-travailler avec un ou plusieurs jeune.s enfant.s à la maison ?
– Je bosse tout le temps, j’ai du mal à m’arrêter (pourtant j’aimerais bien) car j’ai beaucoup de retard dans mon travail et avec un bébé à la maison j’avance à la vitesse d’un escargot. Donc mon conseil est : ne faites pas comme moi !
– Un album pour enfants que vous adorez et suggérez ?
– Un livre de Hervé Tullet.
– Dans son billet du 13 mars à la rtbf, Le mode de vie autiste et ses effets positifs en ces temps troublés par l’épidémie, Josef Schovanec explique « En quarantaine, rien de mieux que d’avoir un centre d’intérêt fort. Là encore, sans surprise, il s’agit d’un trait autistique : untel collectionne les bics, tel autre les vieux dictionnaires, tel autre encore fait de la couture. Avec un semblable mode de fonctionnement, les quarantaines pourraient bien devenir un bon moment dans la vie. » Cette période de confinement est-elle pour vous source d’inspiration, du moins facilite-elle l’inspiration ?
– Comme je le disais, je travaille chez moi donc je ne me sens pas particulièrement confinée, ça n’a aucune incidence sur mon travail. L’inspiration, on peut la trouver absolument partout, même en étant confinés. Internet bien entendu, mais aussi les films, les livres, etc., ou plus simplement dans les détails du quotidien… Si l’on ouvre un peu l’oeil.

* Jusqu’à la fin du confinement, vous pouvez soutenir les soignants en achetant une création de Morgane Rospars en soutien aux soignants. Il s’agit d’un petit tirage (édition non limitée) dont l’intégralité des bénéfices sera reversée à la Fondation des Hôpitaux de Paris et des Hôpitaux de France. La livraison est prévue dès la fin du confinement. Plus d’informations sur la page Facebook » Morgane Rospars – Ex-libris » – www.morganerospars.com/
LE QUESTIONNAIRE DE PROUST CONTEMPLATIF DE LAURE SAMAMA

Les photographies impressionnistes de Laure Samama témoignent avec délicatesse du temps qui passe sur le monde qui nous entoure.
La roche dévoile l’empreinte du temps, les objets laissent filtrer la lumière à travers la poussière, transfigurent les fragilités, l’essence intime des êtres et des choses. Ses photographies émerveillent en immortalisant la beauté fugitive qui nous entoure dans ses détails les plus anodins, ceux que nous ne savons plus voir ou regarder.
Un art contemplatif qui transcende le monde et la lumière à travers des photographies – non clichés – profondes, mystérieuses et poétiques. Laure Samama écrit aussi de très beaux textes inspirés et inspirants qui parlent à l’universel.
Une invitation à se reconnecter au monde et ses 5 sens par le sens visuel et la mélodie des mots.
Quel est votre état d’esprit actuel ?
Je me sens plongée dans une forme de sidération, de torpeur.
Et je suis excédée par mes voisins. Mais je viens de monter leur dire de faire moins de bruit et ils étaient adorables !
Quelles sont les émotions entre lesquelles vous naviguez ?
L’acceptation de la situation, le désir de préparer l’après. Des moments de joie quand je mets le nez dehors et qu’il y a des jonquilles.
La colère contre les injonctions de faire comme-ci ou comme-ça, qui croissent avec le confinement.
Quel est votre principal trait de caractère ?
La volonté, peut-être?
Et celui que vous appréciez chez les autres ?
La bienveillance.
Un artiste, un personnage de roman ou de film inspirant ?
Antigone.
Quelle est votre devise, votre leitmotif ?
A chaque problème, sa solution.
Vous souvenez-vous de votre premier choc esthétique ?
La villa Savoye de Lecorbusier, une peinture d’Aurélie Nemours, une forêt.
Votre petite madeleine ?
Le saucisson.
Quelle est votre recette préférée pour booster l’immunité ?
Ne pas m’exposer au danger.
Quelle est votre façon de prendre soin de vous ?
Prendre des bains, paresser au lit, lire.
Et de prendre soin de vos proches ?
Prendre de leurs nouvelles, les écouter sans les juger.
Quelle est votre recette anti-blues ?
La danse.
Une source d’émerveillement au quotidien liée à l’un des 5 sens que vous (re)-découvrez/savourez en cette période de confinement ?
Les fleurs qui s’épanouissent et fanent dans les vases.
Vous qui aimez les voyages, quel conseil inspirant nous donneriez-vous pour continuer à voyager immobile ?
La musique de Mercedes Sosa. Le voyage mexicain de Bernard Plossu.
Une pépite littéraire ou musicale que vous nous suggérez de re-découvrir en ce moment ?
Kyra Kyralina de Panaït Istrati.
Dans son billet du 13 mars à la rtbf, Le mode de vie autiste et ses effets positifs en ces temps troublés par l’épidémie, Josef Schovanec explique » En quarantaine, rien de mieux que d’avoir un centre d’intérêt fort. Là encore, sans surprise, il s’agit d’un trait autistique : untel collectionne les bics, tel autre les vieux dictionnaires, tel autre encore fait de la couture. Avec un semblable mode de fonctionnement, les quarantaines pourraient bien devenir un bon moment dans la vie. » Cette période de confinement est-elle pour vous une source d’inspiration, du moins facilite-elle l’inspiration ?
Pas du tout. L’autisme de naissance et l’autisme contraint n’ont pour moi rien à voir. Je vois une nette différence entre choisir de regarder ma collection de bic parce que j’en ai envie, ou de le faire parce que je n’ai pas la possibilité de faire autre chose…
Ma création se nourrit des regards incarnés, du poids des corps, du vent sur ma peau, de la liberté de ne pas y aller et de rester, de la liberté de courir vers où je veux, vers qui je veux, quand je veux.

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Propos recueillis par Émilie Pruvost en avril 2020
LE SAVOUREUX QUESTIONNAIRE DE PROUST D’HIPPOLYTE COURTY

Hippolyte Courty a créé sa société, Terres et Hommes, il y a dix ans, et se dédie avec soin et délectation à l’art du petit noir. Sa marque l’Arbre à Café © a grandi joliment, en développant ses branches en harmonie avec le monde qui nous entoure et en préservant ses racines grâce au respect de notre écosystème. Sa philosophie allie passion et (bon) sens.
Bienvenue dans l’univers d’un passionné pour qui le métier rime avec rencontres et émotions.
Voici son questionnaire revisité au filtre de l’actualité et des 5 sens.
– Quel est votre état d’esprit actuel ?
– Terre mère nous envoie ces asphyxies. On est dans une ultra protection de soi-même, clos.
– Quelles sont les émotions entre lesquelles vous naviguez ?
– Il y a la peur du lendemain, ou plutôt du jour même, et en même temps la conscience que c’est rare de pouvoir en profiter comme ça. Il y a vraiment des choses très variées, très intéressantes qui sont en train de se jouer. Par contre, pour tous les gens qui ont un travail précaire ainsi que pour les entreprises, c’est une grande alarme.
– Vous naviguez entre des émotions contrastées. Que repérez vous chez les gens avec lesquels vous êtes en contact et avec lesquels vous travaillez ?
– La voie dans laquelle on s’est engagé il y a dix ans paraît encore plus évidente et profonde aujourd’hui.
Il y a beaucoup de réflexes de dons, de générosité et en même temps des tensions poussées a l’extrême. Pareil, il y a un dualisme marqué et très fort.
Cela se joue entre ceux qui utilisent cette période pour donner plus de sens et ceux qui accentuent les tendances. L’explosion d’Amazon par exemple en est l’illustration, tout comme l’explosion des jeux vidéo. En même temps, il y a l’explosion des paniers de petits producteurs à domicile, de la lecture… Il y a vraiment ces deux France. L’explosion {des violences} conjugales d’un côté et le rapprochement des voisins sur les balcons de l’autre. C’est exacerbé.
– Comment cette période de confinement influe-t-elle sur votre travail ?
– On prépare la reprise mais on ne sait pas de quel bois demain sera fait. L’aspect {développement} durable sera plus marqué. On commence à sortir du court terme, de l’urgence. Tout le monde a trouvé une idée, de quoi rebondir, de façon très partielle bien sûr. On faisait très peu de livraisons aux particuliers, c’est désormais quelque-chose qui est en route, sur lequel on est opérationnel et qui nous procure satisfaction.
– Quel est votre principal trait de caractère ?
– La période nous inspire qu’il faut encore plus radicaliser ce que l’on fait.
– Et celui que vous appréciez chez les autres ?
– Je trouve qu’il y a justement une prise de risque, une créativité intéressante et beaucoup de conscience de l’importance de l’autre, de son rôle. Les livreurs, les caissières me disent qu’on les considère, qu’on les remercie d’être là.
– Votre philosophie ?
– Faire du bon et du bien pour la terre et les hommes. *
– Le café dont vous ne vous lassez décidément pas.
– C’est le café du matin avec l’équipe.
– Votre petite madeleine ?
– On est dans des métiers de madeleines. Quand je bois un café aujourd’hui, je retombe directement dans ma plantation. C’est ce souvenir d’ambiance tropicale qui est très présent.
– Une recette préférée pour booster l’immunité ?
– Je ne me booste pas par le café, même s’il a plein de propriétés. Je me fournis chez Le Gattilier : Christian Escriva, un des meilleurs producteurs pour moi d’huiles essentielles et de préparations botaniques dans les Alpes de Haute Provence. Il fait de l’échinacea, de l’arnica et du tea tree sauvage absolument incroyables.
– Quelle est votre façon de prendre soin de vous ?
– En jouant avec mes enfants.
– Et de prendre soin des autres ?
– On fait des dons aux hôpitaux. Tout est difficile mais au moins on a l’impression tous les jours de faire quelque-chose d’utile, de faire don de soi-même, le meilleur des médicaments.
– Une source d’émerveillement au quotidien, un sens que vous découvrez en cette période de confinement ?
– L’ouïe. Le silence est inhabituel.
– Vous qui aimez tant les voyages, quel conseil inspirant nous donneriez-vous pour continuer à voyager immobile ?
– Je pense à Xavier de Maistre qui a écrit Voyage autour de ma chambre (qui doit parler à la méditante que vous êtes). L’espace intérieur est bien plus vaste que tous les mondes.
– Une pépite à découvrir ?
– Les podcasts et les tutoriels L’arbre à café pour faire du café chez soi.
J’aime beaucoup aussi les quatre bandes dessinées d’Alessandro Pignocchi, Petit traité d’écologie sauvage, La cosmologie du futur, Mythopoïèse et Recomposition des mondes.
– Un personnage de roman ou de film à l’humour contagieux ?
– The party {de Blake Edwards}. Buster Keaton à l’humour rafraichissant, à regarder en famille.
– Un conseil de papa ?
– J’ai des poules, des lapins. Les animaux, c’est un super transfert. On lit de longues histoires : Les trois mousquetaires, Harry Potter. Une heure de lecture, c’est beaucoup et c’est génial car c’est un temps qu’on ne s’accorde jamais.
* L’Arbre à Café a fini de maîtriser toute la chaîne de valeurs : plantation au Pérou, consulting en agriculture biodynamique, importation et torréfaction propre…

Propos recueillis par Émilie Pruvost en avril 2020
UNE BALADE INTIMISTE DANS LE MAINE
ENTRETIEN DE CONFINEMENT
AVEC DOUGLAS KENNEDY

« S’il est librement choisi, tout métier devient source de joies particulières, en tant qu’il permet de tirer profit de penchants affectifs et d’énergies instinctives. » Cette citation de Freud sied bien au tempérament de l’auteur Douglas Kennedy pétri de voyages et de rencontres, pour lequel l’écriture est devenue comme le prolongement naturel de l’expression de lui-même.
L’écrivain américain francophone et francophile excelle dans l’art de ciseler la psychologie de ses personnages qu’il révèle dans leur complexité, leur sensibilité, leurs doutes et leur fragilité. Dans le deuxième tome des aventures d’Aurore, Aurore et le mystère de la chambre secrète, illustré par Joann Sfar, l’auteur décrit avec le même talent et un regard rempli d’humanité, l’univers intime de sa jeune héroïne autiste.
« Il y a des êtres qui font d’un soleil une simple tache jaune, mais il y en a aussi qui font d’une simple tache jaune un véritable soleil. » (1)
Solaire, Aurore éclaire les autres de sa propre lecture du monde, lecture qu’elle communique à l’aide d’une tablette. Et témoigne ainsi d’une acuité sur le monde exceptionnelle, sensible aux aspérités de sa cellule familiale et du monde extérieur.
Ce livre parlera, par les problématiques que rencontre son héroïne, aux enfants et à celui qui sommeille en chaque adulte. Parce que le confinement dans lequel nous vivons est l’occasion de se rapprocher et de comprendre l’autre, lire « Les fabuleuses aventures d’Aurore » peut être un trait d’union inspirant et éclairant, et faire l’objet d’une lecture pour les plus petits, un échange entre générations.
L’auteur a accepté avec générosité de répondre à mes questions en ce premier avril. Un entretien qui mêle impressions et philosophie de vie, ponctué de rires et de sourires malgré la gravité de l’actualité, aux premiers jours du confinement américain. Un échange entre ombre et lumière, à l’image de ses livres dans lesquels la complexité humaine est dépeinte en clair-obscur.

– Quel est votre état d’esprit actuel ? Quelles sont les émotions entre lesquelles vous naviguez ?
– Il y a 7 jours j’ai fui New-York avec ma fille et son petit ami. Comme tout le monde, je pensais que cela durerait trois semaines. Mais nous sommes de plus en plus dans une crise sérieuse.
La situation est horrible, en Espagne, en Italie, en France, et désormais dans ma ville natale (2), épicentre de l’épidémie aux États-Unis. Nous avons eu mille morts cette semaine et l’on prévoit plus de morts que le nombre de soldats tombés dans le Golfe (3). C’est partout et le monde est fermé.
Je suis désormais dans le Maine, où j’ai une maison. J’ai de la chance car je suis à côté de la nature. La mer est à trente minutes.
– Vous semblez confiné depuis quelques jours… Cela commence t’il donc tout juste pour vous ?
– C’est simplement le début. Le gouverneur du Maine, – une femme démocrate et progressiste intelligente -, a signé une loi pour rester à la maison. Toutes les plages magnifiques sont désormais fermées.
J’espère que la sérénité de cette ville va perdurer. Le plus grand défi, c’est l’équilibre personnel et communal, parce que la pression va augmenter. J’ai écrit dans Le Monde aujourd’hui (4) sur cette situation économique sans règles. J’ai beaucoup de copains et de copines partout à New York, Paris, Los Angeles, qui sont confrontés aux mêmes questions. Est ce possible de payer le loyer ? Cent millions de personnes vivent la même chose. Qui va payer après la crise ? J’ai peur que les petites entreprises fassent faillite et j’espère que les choses culturelles vont survivre. On est dans une situation qui va durer plusieurs mois et ça c’est très dur.
– Le prénom de votre petite héroïne (Aurore) signifie l’aube, le commencement. Si j’osais un parallèle avec la crise actuelle, de quoi la période qui s’ouvre pourrait-elle être le commencement ?
– Je ne sais pas s’il y a un parallèle honnêtement…(sourire) Aurore voit les problèmes des autres, les doutes des autres. Elle a beaucoup d’empathie. C’est sa force. Elle est une source de lumière au milieu des troubles quotidiens.
En dehors du virus, chacun peut se reconnaître dans les problèmes qu’elle rencontre. Les caractères de pestes présents dans les deux tomes sont des personnes avec beaucoup de peurs. L’arrogance cache le doute.
Aurore, de son côté, a une bonté immense. La bonté, surtout maintenant, la générosité aussi, c’est essentiel.
– Cette bonté, on la voit surgir un peu partout. La situation actuelle n’est-elle pas propice à l’émergence du pire mais aussi du meilleur ?
– J’espère. Chez la plupart des gens, il y a la bienveillance. Il y a des gens stupides aussi. Il faut rester avec l’idée qu’on est ensemble au milieu de cette situation profondément source de litiges.
Quand je commence à réfléchir à un personnage, je commence avec une idée. Quelles sont les choses pathologiques derrière le personnage ? Ses peurs ? Ses doutes ? L’idée derrière Aurore, c’était d’expliquer à des enfants que les problèmes qu’ils voient autour d’eux – dans le foyer familial ou à l’école avec des pestes… -, ils ne sont pas les seuls à les vivre. C’est important. On écrit pour comprendre qu’on n’est pas seul face aux problèmes. C’est le propre de la condition humaine, c’est constant, il y a toujours des problèmes… (rire)
– Pour vous, c’était important d’aborder le sujet de l’autisme dans un roman jeunesse ?
– Oui. Mon fils Max est autiste. Il est indépendant et photographe à Londres. Il vit chez moi (5), plus exactement il s’est approprié mon appartement ! (rire)
Quand j’ai commencé à écrire les aventures d’Aurore, je lui ai dit « ce n’est pas toi ». Car chaque enfant autiste est atypique.
(Mon fils a été diagnostiqué en 1998 à l’âge de cinq ans et demi mais je l’ai compris dès qu’il a eu trois ans.)
Par la suite, tout le monde m’a demandé « Vous avez écrit un livre au sujet de l’autisme ? » Mais pour moi, écrire à ce sujet, c’était écrire au sujet du couple (6), la pression d’avoir un enfant autiste. Je ne vois pas l’autisme comme un handicap. Max est remarquable et a une culture extraordinaire.
– L’autisme est une différence, pas un handicap…
– Exactement. Quand j’ai commencé à réfléchir sur le personnage d’Aurore, j’ai écrit quelque-chose dans mon calepin après une conversation avec ma fille au sujet de mon divorce avec sa mère. Âgée de onze, douze ans à l’époque, elle avait commencé à observer certaines choses et avait tout compris. A cet âge, moment de l’innocence, les enfants voient les choses.
– Les enfants sont des éponges…
– Tout à fait. J’ai commencé à réfléchir alors à mon personnage. Différente et très sensible, elle voit et entend les problèmes des autres. Son pouvoir magique est l’empathie.
– Souvent les enfants autistes sont dans leur bulle. Dans vos deux livres, ce qui est intéressant c’est que l’on rentre dans la bulle intérieure d’Aurore ; une façon de faire du lien entre le monde intérieur et le monde extérieur de l’héroïne.
– Tout à fait. La vérité selon Aurore, c’est qu’elle est normale. Elle est aussi très perspicace. Elle est à cet âge qui est un entre-deux entre l’enfance et l’adolescence. Elle ne comprend pas la sexualité. Le changement de son corps n’a pas commencé. En même temps, elle comprend, a un immense secret, un monde à elle dans lequel s’échapper. Elle a des faiblesses mais, par l’effet sésame, elle a un échappatoire. Par l’effet sésame encore, le monde est plus bleu, elle parle, ses parents restent ensemble, elle a une copine, des choses qui n’existent pas dans sa vie.
– Des choses que peuvent vivre aussi beaucoup d’enfants neurotypiques…
Quel serait le commentaire d’un petit lecteur qui vous a le plus touché ?
– Je suis arrivé chez un couple d’amis universitaires avec un exemplaire que j’ai donné à leur fille Éléonore. Elle a souhaité continuer à lire le livre pendant tout le dîner ce qui m’est apparu comme un très bon signe.
– Que répondriez-vous à un enfant qui vous poserait la question « Qu’est-ce que l’autisme » ?
– Chaque enfant est différent. Franchement de temps en temps, je pense que je suis moi-même presque autiste… (rire) Pour moi, ce n’est pas un handicap. C’est vrai qu’il y a des enfants autistes très fermés. Tout le monde a une hypothèse sur l’autisme et ça m’énerve. Lors d’un diner post-sortie du premier tome, un homme m’a dit :
– « J’ai lu une bonne partie sur vous dans le Figaro littéraire, vous avez dit qu’elle a un pouvoir magique et c’est idiot. »
Et moi de lui répondre :
– « Pourquoi dites-vous cela Monsieur ? »
– « Je suis psychologue et ma spécialité est l’autisme. »
– « L’avez-vous lu ? »
Grand silence.
– Et moi de lui répondre :
– « C’est une métaphore. Expliquez-moi quelque-chose. Avez-vous vécu avec un enfant autiste ? »
– « Je suis expert. »
– « Et moi je suis père. »
Il n’y a pas de vérité. En quarante ans en France, beaucoup de psychologues ont dit que la cause était la mère, qu’elle était un « congélateur » (7) ce qui est horrible.
– C’est de la culpabilisation…
– Dans la vie, la musique du hasard arrive très souvent pour accompagner les événements. Quand Max a été diagnostiqué, un copain universitaire m’a conseillé de lire les Stoïciens, Sénèque notamment. Dans la vie, les choses arrivent sans votre contrôle. Si on ne peut pas contrôler ça, on peut du moins contrôler notre propre réponse sur les événements.
– En France, beaucoup de parents souhaitent l’inclusion pour leur enfant. Qu’en pensez-vous ?
– Je suis un invité chez vous. J’ai un grand respect pour la France. Ce pourquoi, en public, je préfère rester en dehors des questions politiques.
Je pense que chaque enfant est différent. L’inclusion c’est très important. Comme politique ? C’est difficile à dire… Qu’en pensez-vous de votre côté ?
– Il me semblerait bénéfique que les enfants puissent bénéficier à temps partiel d’enseignements et de pédagogies adaptées, et en même temps, qu’ils puissent être au contact d’enfants neurotypiques qu’ils peuvent enrichir, en retour, de leurs différences. L’enrichissement va dans les deux sens, il n’est pas unilatéral.
– Il n y a pas de règles. Je ne vais pas dire oui ou non. Chaque situation est atypique. J’ai créé des choses pour aider Max mais c’est lui qui a fait le travail.
– Le processus d’écriture est-il différent entre un roman pour adultes et un roman jeunesse ?
– C’est exactement la même technique que j’utilise. La voix est la même car c’est ici celle d’une enfant de onze ans. Pour moi, c’était important de créer une vraie histoire. Joann Sfar était d’accord et il a adoré cela. On a émis une règle : j’écris et il dessine. Joann Sfar m’a dit « ne décris pas Aurore ». Dans tous mes romans, en effet, c’est rare que je décrive un visage, mon narrateur ou ma narratrice. Psychologiquement, je compense, je la dépeins de manière très intime. Joann Sfar a dessiné son univers de manière extraordinaire.
– Question relative aux cinq sens, quel est l’univers sonore de vos manuscrits ?
– J’écoute de la musique classique et du jazz.
– On nous parle beaucoup en cette période de confinement de l’importance d’avoir des rituels, quels sont les vôtres artistiquement parlant ?
– Je n’en ai pas. J’écris dans la cuisine, dans le lit, le métro (mais plus maintenant !(rires)) Je peux écrire dans un café, un train, en voyage. Je suis un grand voyageur.
– Comme grand voyageur, avez-vous une suggestion pour voyager immobile ?
– Quand on lit, on voyage. Je suis dans ma maison du Maine avec deux à trois mille livres. J’écris tous les jours, je me balade, ce qui est possible ici. Ce n’est pas possible à Paris, n’est- ce pas ?
– Effectivement. La période que nous traversons facile-t-elle l’inspiration ou, au contraire, la bloque-t-elle ?
– Freud a dit « le travail c’est le seul équilibre dans la vie ». Je suis tout à fait d’accord avec ça… (rire). Je suis au milieu de l’écriture de mon prochain Aurore… Je viens de terminer mon prochain roman pour adultes il y a trois semaines…
J’écris tous les jours. L’objectif est de rester en forme. Et ça, c’est un équilibre.
– Quand sortira le prochain Aurore ?
– On verra. Cela dépend de beaucoup de choses… L’idée est qu’il y ait un Aurore tous les ans.
Propos recueillis par Emilie Pruvost, lors d’un entretien le 1er avril 2020
1. Picasso
2. Wiscasset
3. Douglas Kennedy fait allusion ici aux guerres dans le Golfe persique auxquelles les Etats-Unis ont participé ces dernières décennies.
4. Tribune, Le Monde, 01/04/2020, Douglas Kennedy : « Le capitalisme américain s’effondrera-t-il comme un château de cartes quand le Covid-19 sera dompté ? »
5. D.K. a un pied à terre à Londres.
6. Le couple et ses fragilités est le leitmotiv des romans de D.K.
7. La mise en cause des mères décrites comme des « mères frigidaires », « mères mortifères » dans le développement du handicap a été sévèrement remise en cause par le C.C.N.E. (Comité Consultatif National d’Ethique pour les Sciences de la Vie et de la Santé) dans son avis n°102 « Sur la situation en France des personnes, enfants et adultes, atteintes d’autisme » :
« Considérer la mère comme coupable du handicap de son enfant, couper les liens de l’enfant avec sa mère, attendre que l’enfant exprime un désir de contact avec le thérapeute, alors qu’il a une peur panique de ce qui l’entoure font mesurer la violence qu’a pu avoir une telle attitude, les souffrances qu’elle a pu causer, et l’impasse à laquelle cette théorie a pu conduire en matière d’accompagnement, de traitement et d’insertion sociale. » (p.5 du rapport). « A partir de la fin des années 1970, l’hypothèse de l’existence de particularités dans la sécrétion de certains neuromédiateurs, puis l’hypothèse de l’existence de modalités particulières de connexions entre différentes régions cérébrales ont fortement contribué à la notion que les syndromes autistiques étaient dus à des troubles précoces du développement, et en particulier du développement cérébral, qui débutent probablement avant la naissance. » (p.7-8)
QUESTIONNAIRE DE PROUST REVISITÉ AU FILTRE DES 5 SENS ET DE L’ ACTUALITÉ DE PIERRE TACHON

Je suis ravie d’accueillir comme premier invité de cette nouvelle rubrique, le designer Pierre Tachon pour répondre à mon questionnaire de Proust revisité au filtre des 5 sens et de l’actualité.
Une entrée en matière symbolique par le clin d’oeil au soin : Pierre Tachon est fondateur de Soins graphiques, une agence de design qui accompagne dans l’ombre, l’oeuvre de grands chefs qu’elle illumine de ses créations. Ses prescriptions inspirées – des objets qui sont de véritables écrins – mettent en exergue le toucher et la vue, subliment le goût et l’odorat.
En témoigne sa cocotte Cookpot, une création réalisée pour Alain Ducasse aux contours gallinacés. Beau et innovant, cet ustensile de cuisson exalte les saveurs par son mode de cuisson.
Pierre met autant d’attention à prendre soin de sa tribu. Il nous confie ici sa manière bien à lui de prendre soin de soi et des autres, inspirée et inspirante.
Quel est votre état d’esprit actuel ?
Responsable, confiné pour mon bien et surtout le bien de tous.
Quelles sont les émotions entre lesquelles vous naviguez ?
Entre l’anxiété de savoir ce qu’il va advenir de mes proches, famille, amis, équipe, la « joie » de partager cette épreuve avec ma tribu, mes enfants, l’angoisse de la partager à distance avec mon amie confinée sur le bassin d’Arcachon. Et l’espoir que cette pandémie trouve une issue la moins dévastatrice possible et nous montre le chemin d’une humanité nouvelle moins individuelle et plus universelle…
Quel est votre principal trait de caractère ?
Exalté de l’intérieur.
Et celui que vous appréciez chez les autres ?
L’humour.
Un personnage de roman ou de film à l’humour contagieux ?
Difficile en ce moment, Monsieur Pignon dans Le dîner de cons.
Quelle est votre devise, votre leitmotif ?
Je le dis souvent à l agence « nous, on ne sauve pas des vies, on fait du design, on essaie juste de faire du bien aux gens. »
Vous souvenez-vous de votre premier choc esthétique ?
Le plus grand, c’est la série Woman de Wilhem de Koonig découverte dans le magazine d’art Kanal en 1990, la découverte que la création est sensation. Un choc esthétique plus récent : une petite peinture de Vermeer Woman in blue au Rijksmuseum d’Amsterdam saisissant de modernité, ou encore la frise Beethoven de Klimt au Musée de la Sécession de Vienne.
Votre petite madeleine ?
La peinture, mais aussi la sculpture, un des rares domaines qui m’apaise et me pousse à la contemplation.
Quelle est votre petite recette préférée pour booster l’immunité ?
Le praliné du Chocolat Alain Ducasse, corporate non, juste le meilleur du monde !
Quelle est votre façon de prendre soin de vous ?
En préservant ma tribu : enfants & amour.
Et de prendre soin de vos proches ?
En essayant d être toujours présent. Ma tribu, c’est mon Graal.
Quelle est votre recette anti-blues ?
Au risque d être ridicule : passer du temps avec ma tribu et un bon barbecue entre amis.
Une source d’émerveillement au quotidien liée à l’un des 5 sens que vous (re)-découvrez/savourez en cette période de confinement ?
Le partage, l’échange et l’affection plus que jamais.
Vous qui aimez les voyages, quel conseil inspirant nous donneriez-vous pour continuer à voyager immobile ?
Siddhartha de Hermann Hesse, un voyage initiatique.
Une pépite littéraire ou musicale que vous nous suggérez de re-découvrir en famille en ce moment ?
Ce serait cinématographique. Interstellar et Premier Contact. Pourquoi ? Parce que dans les deux cas, c’est l’intelligence, l’intuition et l’amour qui permettent d’assurer la survie de l’humanité lorsque celle-ci est confrontée à l’urgence de ses incohérences ou à l inconnu.
J’aime être naïf et idéaliste :-). À un moment où la réalité dépasse la fiction, j’aime croire en la capacité de résilience de l’humanité et que celle-ci n’est pas fictive.
En tant que parent d’une famille nombreuse, avez-vous des astuces pour tous les parents contraints d’enseigner à domicile ?
Apprendre à prendre le temps, il est à notre disposition pour une fois, alors mettons-le à profit.
Dans son billet du 13 mars à la rtbf, Le mode de vie autiste et ses effets positifs en ces temps troublés par l’épidémie, Josef Schovanec explique
« En quarantaine, rien de mieux que d’avoir un centre d’intérêt fort. Là encore, sans surprise, il s’agit d’un trait autistique : untel collectionne les bics,
tel autre les vieux dictionnaires, tel autre encore fait de la couture. Avec un semblable mode de fonctionnement, les quarantaines pourraient bien
devenir un bon moment dans la vie. »
Cette période de confinement est-elle pour vous source d’inspiration, du moins facilite-elle l’inspiration ?
Je ne suis pas sûr qu’elle facilite l’inspiration, elle facilite l’introspection c’est une certitude. Cette période permettra sûrement de pousser l’inspiration vers d’autres territoires. Là c’est encore un peu tôt, je suis un optimiste et je suis sûr que cette prise de responsabilité de l’humanité va nous pousser vers une autre façon d’envisager la vie.

Propos recueillis par Émilie Pruvost, avril 2020